Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/164

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statues, couchées, debout, agenouillées, des rois de France, des reines, des chanceliers, des prélats, des maréchaux et ministres, drapés dans leurs costumes de marbre, servait de salle des pas perdus. Là, s’échangeaient les nouvelles, se tramaient les intrigues, se discutaient les hommes et les événements. Les propos de couloirs animaient cette nécropole majestueuse.

Dans ce cadre monarchique, huit cents représentants dout la mission était remplie, et qui n’avaient plus d’autre mandat que celui qu’ils se donneraient, devaient s’efforcer, sans y parvenir, d’étrangler la République, qu’ils nommaient familièrement : la Gueuse. Paris, tout prêt, en armes et déjà menaçant, les gênait pourtant, et leur guet-apens, dès la première séance, apparaissait si compromis qu’ils n’osaient en formuler à haute voix le projet. Il fallait attendre, guetter l’heure propice pour serrer le lacet. Les ruraux, spectres exhumés, fantômes rôdeurs, revenants falots, passaient parmi les mausolées, ruminant les plus ténébreux complots, qu’ils ne révélaient qu’insidieusement par des exclamations, des apostrophes, des motions hypocrites au but déguisé.

Parmi ces députés sans cohésion, sans groupements solides, dépourvus de chefs autorisés et de guides expérimentés, tous n’étaient point animés de haine contre Paris ni de mauvais desseins contre la République. Il y avait quelques républicains, dont les sentiments étaient, surtout au début, optimistes, et qui espéraient la conciliation. Un témoin, Léonce Dupont, a dit :

Quant à des illusions sur ce qu’on appelait alors la garde nationale de l’ordre, sur l’arbitrage des maires et autres billevesées dont quelques esprits crédules se sont un moment nourris, M. Thiers n’en eut jamais ; mais on en trouve encore trace au sein de l’assemblée. Là s’agitent des passions contraires. À côté