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de la majorité, ennemie inavouée de la République, il s’est formé une minorité, amie non moins inavouée de la Commune. Aux extrémités on se trompe, et l’on noue de sourdes et hypocrites conspirations ; au milieu, comme toujours, on prête l’oreille à de fallacieux projets de conciliation. C’est là qu’on a la confiance facile.

(Léonce Dupont. Souvenirs de Versailles pendant la Commune, p. 36).

PREMIÈRE SÉANCE

M. Jules Grévy présida la première séance. On peut s’étonner que l’assemblée de Bordeaux, où les éléments hostiles à la République dominaient, ait choisi pour son président un homme connu pour la fermeté de ses principes républicains. C’était là surtout qu’éclatait l’impuissance de cette assemblée à manifester ses véritables sentiments. Elle avait peur de se prononcer ouvertement pour la monarchie, qu’elle désirait, qu’elle préparait secrètement. Elle n’osait mettre à sa tête, soit en lui confiant la direction de ses débats, soit en lui remettant le pouvoir exécutif, un personnage dont le nom et le passé seraient un défi et une menace pour l’opinion républicaine. Elle devait attendre jusqu’au coup d’état parlementaire du 24 mai 1873 pour oser se donner des chefs notoirement anti-républicains, dans la personne de Mac-Mahon, des Broglie, des Buffet. En mars 71, elle craignait de démasquer prématurément ses hommes et ses désirs. Elle parla timidement du duc d’Aumale, avant une séance de nuit inquiétante, et n’eut pas l’audace de le proposer tout haut. La peur de Paris en armes, dont l’exemple pouvait entrainer la France entière, la retenait dans les voies obliques, et lui faisait supporter, au moins provisoirement, Thiers et Grévy, bien qu’on ne pût compter sur eux pour un complot monarchiste. Il est malheureux que l’Assemblée ait eu cette prudence. Si elle