Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/166

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eût, à Bordeaux ou à Versailles, remplacé Grévy et Thiers par des royalistes avérés, la province eût senti le danger, compris l’insurrection parisienne, et la révolution du Dix-Huit mars se fût propagée et imposée à toute la France, comme le salut de la République.

JULES GRÉVY

Jules Grévy, par sa seule présence au fauteuil, rassurait le pays républicain. Il avait une réputation bien établie d’adversaire de toute restauration monarchiste. Sa modération était connue, et les réactionnaires de leur côté n’éprouvaient, avec raison, aucun effroi en le voyant à la tête de l’Assemblée. Ils étaient certains qu’avec lui la gauche avancée serait contenue, et à l’occasion combattue. Jamais il ne s’était compromis avec la Montagne durant les législatures de 1848-49. Il avait été l’adversaire de la candidature de Louis-Napoléon, mais c’était par un sentiment de défiance envers les Bonaparte, plutôt que par ardeur républicaine. Son amendement fameux, base de sa fortune politique, supprimant la fonction de président de la République, qui, par une ironie de la destinée, devait lui échoir un jour, l’avait placé au premier rang des hommes d’état avisés et prévoyants.

Né à Mont-sous-Vaudrey (Jura), le 15 août 1813, avocat estimé, orateur froid mais logique et souvent persuasif, il avait acquis, dans les diverses assemblées dont il avait fait partie, une indiscutable influence. Sa finesse paysanne, ses allures pleines de gravité, son aspect de grand bourgeois, calme et prudent, se tenant toujours à distance des partis violents et hostile aux mesures extrêmes, lui avaient valu, dans les milieux parlementaires, une autorité dont le renom s’était répandu dans le pays. Il n’avait pas fait partie de la