Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/167

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Défense nationale, et cela l’exemptait des blâmes et des récriminations que ce gouvernement avait pu inspirer. Solennel, prétentieux, avec une familiarité voulue et une bonhomie affectée, il ne plaisait à personne, mais était accepté par tous. Il ne suscita jamais l’enthousiasme ni même l’affection, mais il inspirait une considération à peu près unanime, et imposait à ses adversaires, jusqu’à sa lamentable mésaventure familiale, un visible respect.

On vantait ses vertus domestiques. Il passait pour le plus intègre des hommes, bien que comme avocat, par la suite, on le vit défendre des financiers véreux, et palper des honoraires exorbitants comme conseiller de spéculateurs et d’entreprises peu recommandables. Son rôle de défenseur et protecteur du banquier Dreyfus, dans l’affaire des guanos du Pérou, parut louche. Il montrait en toute occasion une économie qui confinait à l’avarice, et son goût pour l’argent frôlait la cupidité. Bon buveur, grand chasseur, joueur de billard émérite, évitant le luxe, de mœurs irréprochables, il plaisait aux classes rustiques, et la bourgeoisie provinciale retrouvait en lui les qualités privées qu’elle prise fort. Son austérité notoire en imposait à l’aristocratie. Il montra sans doute une trop grande tendresse pour sa fille, et à cause d’elle trop d’indulgence pour son gendre Wilson. Il fut la victime de ce prodigue aux malversations trop évidentes, qui l’entraina dans sa chute. Il dut se démettre de cette présidence de la République pour laquelle il semblait fait.

Il avait, en 1873, dignement, mais maladroitement donné sa démission de président de l’Assemblée, à la suite d’une protestation saugrenue des droitiers contre un passage mal interprété d’un discours de M. Le Royer, où il était question de « bagage parlementaire ». Il fut remplacé par M. Buffet, et cette première chute précéda et amena celle de M. Thiers.