Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/173

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que l’Assemblée avait reçu mandat de « constituer ».

Ou comprend très bien que les monarchistes de toutes nuances qui composaient l’Assemblée aient approuvé une telle déclaration, mais comment ceux qui se recommandaient de la république ont-ils eu le courage, ou plutôt la lâcheté, de la voter ? Cette négation audacieuse de tout ce qui semblait être le minimum des revendications légitimes du parti républicain d’alors, fut cependant adoptée à l’unanimité, ainsi que le président eut soin de le faire constater.

Un incident suivit cette lecture, qu’il est intéressant de signaler parce qu’il montre, une fois de plus, la mentalité de la majorité.

On procédait au vote pour l’adoption de cette proclamation, quand M. Millière demanda la parole :

Je désire, dit-il, avoir la parole dans un esprit de concorde et dans un but de conciliation, je ne voudrais pas qu’on jetât de l’huile bouillante sur le feu…

Un bruit intense couvrit ces mots, empêcha d’entendre la suite, et Millière, devant ce parti pris, renonça à la parole.

La voix de M. Peyrat[1] s’éleva alors. Il réclama une addition au texte ; la proclamation se terminait ainsi : Vive la France ! Il demanda qu’on ajoutât : Vive la République ! On hua l’honorable préopinant. Les droitiers s’agitèrent, se levèrent, poussèrent des cris inarticulés, montrèrent le poing à l’auteur de la proposition. Le vicomte

  1. Alphonse Peyrat, publiciste, né le 21 juin 1812 à Toulouse, mort sénateur de la Seine, il y a quelques années. C’est lui qui, dans l’Avenir National, sous l’Empire, ouvrit, de concert avec Delescluze dans le Réveil, la souscription Baudin, qui devait susciter le procès retentissant où Gambetta se révéla. Il avait été élu, au 8 février, par la Seine et avait volé contre la paix. Président du groupe « L’Union Républicain », il fut élu sénateur par la Seine aux élections du 30 janvier 1876.