Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/182

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Aucun homme sérieux ne peut se le dissimuler, ce sont là des déclarations vaines et trompeuses. Ce qu’on a voulu, ce qu’on a réalisé, c’est un essai de doctrine funeste, qui malheureusement a eu d’illustres sectateurs, de bonne foi peut-être, mais ne comprenant pas la portée de l’opinion dans laquelle ils s’égaraient, opinion qui, en philosophie, peut s’appeler l’individualisme, et qui, en matière politique, s’appelle, pour se servir d’un nom que j’ai entendu employer ici, la République placée au-dessus du suffrage universel.

Avec cela on peut faire croire à Paris qu’il peut avoir son individualité propre, vivre de son autonomie, et il est triste, après tant de siècles, de se trouver en face d’une sédition qui rappelle la fable des Membres et de l’Estomac. Comment Paris, qui afficherait aujourd’hui la singulière prétention de vivre seul et de se séparer de ce qu’il appelle la province, les ruraux, comme on le dit, comment Paris pourrait-il soutenir un instant cette erreur politique sociale, après ce siège qu’il a supporté avec tant d’héroïsme ? Comment n’a-t-il pu comprendre que la séparation d’avec la province, c’était pour lui la mort ? Une commune libre c’est la servitude directe…

Après ces considérations philosophiques, Jules Favre précisa son attaque et traça ce sombre tableau de la situation :

Comment se fait-il que nous puissions hésiter, et qu’il ne s’impose pas à notre conscience, l’obligation sérieuse, absolue, d’entrer dans une voie d’énergie pour avoir enfin raison d’un pareil opprobre infligé à la civilisation ?

On nous disait que l’entreprise, qui a si fatalement réussi, en désunissant la France, lui ferait courir le risque de la guerre civile ? Mais je demande à ceux qui font cette objection comment s’appellent l’état actuel de Paris ? Est-ce que ce n’est pas la guerre civile ouverte, audacieuse, accompagnée du meurtre lâche et du pillage dans l’ombre ? Est-ce que nous ne savons pas que les réquisitions commencent, que les propriétés privées vont être violées et que nous allons voir, je ne dirai pas de chute en chute, mais de progrès en progrès, dans cette perversité savamment calculée, la société toute entière sapée par la base, s’effondrer, faute