Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/184

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Or, cette éventualité, vous la devinez sans peine, et je pourrais, messieurs, sans manquer à la discrétion qui m’est imposée, vous dire que les indices commencent, qu’on nous interroge avec anxiété, et qu’il s’agit pour nous de savoir si, en temporisant vis-à-vis de l’émeute, vous voulez donner à l’étranger le droit de la réprimer.

M. l’Amiral Saisset. — Voilà ! Choisissez !

M. le Ministre. — Ce serait pour vous, messieurs, la dernière des hontes ; nous n’en serons pas responsables devant Dieu ; la responsabilité en pèserait exclusivement sur ces mauvais citoyens qui, en face des dangers et des misères de la patrie, n’ont pas compris que leur premier devoir était l’obéissance au suffrage universel ; qu’en dehors de ce principe, il ne peut y avoir que confusion et anarchie, et qui, voulant faire prévaloir leurs détestables desseins, n’ont pas craint d’appeler sur ce sol de Paris, qui en avait été au moins en grande partie affranchi, les pas de l’étranger.

Eh bien, messieurs, en face d’une pareille éventualité, comprenez-vous quelle peut être l’émotion de la ville de Paris, les inquiétudes de l’Europe ? Que sommes-nous, en effet, et comment pouvons-nous donner cette caution de notre solvabilité, quand nous ne savons pas même vivre en paix, et quand nous voyons un orage, des bas-fonds de la société, monter jusqu’à la majesté populaire, représentée par cette Assemblée, et essayer de la renverser ? C’est leur dessein !

M. l’Amiral Saisset. — Oui, ils me l’ont dit.

M. le Ministre. — Chaque jour, ils déclarent qu’ils veulent marcher contre vous.

Marcher contre vous ! C’est une entreprise qui n’est point ici à discuter ; mais c’est leur dessein que j’expose, et si quelques-uns d’entre vous tombaient entre leurs mains, le sort des malheureuses victimes de leur férocité serait le vôtre. Car ne vous imaginez pas, messieurs, qu’ils désavouent de semblables crimes. Ils les justifient !

Il est bon de mettre sous vos yeux les circonstances atténuantes plaidées par le journal officiel de ce gouvernement qui n’a plus le droit de s’appeler la République : il la déshonore ! la souille de sang, il fait apparaître auprès d’elle le cortège de tous les crimes. Il ne peut être composé que de gens indignes ne mé-