Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/185

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ritant aucune espèce de pitié, car ils n’en ont pas pour la civilisation et pour la France !

M. Jules Favre revint alors sur l’exécution des généraux Clément Thomas et Lecomte, et s’éleva contre la note du Journal officiel de Paris, qualifiant de « regrettables » ces événements. Il retraça longuement les épisodes de la tragédie de la rue des Rosiers, avec un talent d’avocat de cour d’assises, et fit l’éloge des deux victimes, puis il s’écria :

Je crois, messieurs, que, comme membre du gouvernement, j’aurais manqué à tous mes devoirs, si je n’avais pas porté à la connaissance de l’Assemblée et de la France entière ces lignes odieuses qui sont tout un programme de crimes, nous annonçant à quels ennemis nous avons affaire.

Nous avons épuisé les temporisations, et si un reproche peut nous être l’ait, — on en peut adresser beaucoup, je le reconnais, à ceux qui, pendant de longs mois d’angoisses, ont été chargés de la mission de gouverner Paris, — ce reproche serait celui d’une excessive mollesse.

Quant à moi, messieurs, permettez-moi de ne pas descendre de cette tribune sans épancher mon cœur, en en laissant échapper l’une des nombreuses douleurs qui l’oppressent.

Je n’ai pas à vous raconter, à cette heure, par quelles épreuves j’ai passé à ce moment suprême, où Paris n’ayant devant lui que quelques jours de vivres, j’ai pris sur moi, avec l’avis des membres du gouvernement, de chercher à sauver en partie ce qui le constituait et surtout ce qui constituait la France !

Alors, messieurs, j’ai combattu, trois jours durant, l’exigence du vainqueur, et Dieu sait avec quelle insistance, il voulait entrer dans Paris et désarmer la garde nationale !

J’ai cru qu’il était de mon devoir de lui éviter cette humiliation ; j’ai pensé qu’après avoir montré l’esprit héroïque dont elle avait fait preuve pendant le siège, la garde nationale comprendrait qu’elle avait un second devoir à remplir, c’était de se servir des armes que je lui conservais, pour assurer l’exécution des lois et le maintien de la paix publique.

Je me suis trompé. J’en demande pardon à Dieu et aux hommes, pour me servir d’une expression consacrée, et lorsque j’ai