Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/228

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C’était là une illusion et une sottise. D’abord le bonapartiste Rouland n’agit nullement dans l’intérêt de l’Empire, à qui personne ne songeait, pas même lui peut-être. L’ancien serviteur de Louis-Philippe et de Napoléon III intriguait déjà du côté de M. Thiers. Celui-ci d’ailleurs le maintint au gouvernement de la Banque. Le rusé fonctionnaire ne se montra aussi coulant avec les délégués de l’insurrection que pour sauver la Banque de France. C’était une rançon et une prime d’assurance qu’il versait. Il quitta du reste Paris le 23 mars, et son remplaçant à Paris, le marquis de Plouec, avec l’aide de Beslay, délégué de la Commune, continua sa méthode prudente et habile, ne livrant pas les richesses de la Banque, mais ne refusant pas des avances espacées, faisant en un mot la part du feu. Ce gouverneur distribua des millions par petites portions aux communards, comme on émiette de la viande à des fauves qu’on cherche à apprivoiser.

Non seulement M. Rouland, en lâchant un million, ne sauva pas le Comité Central, mais on peut dire qu’il contribua à le perdre, et avec lui la Commune. S’il avait refusé de sacrifier ce premier million, le Comité Central eût montré les crocs, il eût dévoré ce qu’il aurait voulu, ce qui était à sa portée, et selon sa faim. Qui eût pu l’en empêcher ? Il avait la force. Si on lui fermait les portes de la Banque de France, il n’avait qu’à les enfoncer. Rien n’était plus facile.

LA BANQUE RESPECTÉE

C’est une question embarrassante, et sur laquelle je ne partage pas l’avis de la plupart de ceux qui ont apprécié les rapports financiers de la Commune avec la Banque de France, de savoir si l’on aurait dû mettre la main sur cet établissement de crédit national. Devait-on respecter la