Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/240

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les journaux s’étaient empressés de publier. Il eut un instant l’idée de mettre en état d’arrestation celui qui l’avait écrite, révélant ses intentions de passer à l’ennemi. Crémer protesta de ses sentiments tout dévoués à l’insurrection et au Comité. Il promit de désavouer cette lettre. On crut à sa promesse, et on le laissa en liberté, en lui permettant d’aller, avec Babick, faire sortir le général Chanzy de la prison de la Santé.

Tout faillit être perdu, a dit Crémer, par la publication de cette lettre. On se demandait si on devait me faire fusiller. Je promis de faire démentir la lettre le lendemain. Mais la lettre est authentique. Si le Comité ne m’avait pas cru, au lieu de sauver le général Chanzy et Langourian, je rentrais en prison avec eux, dans des conditions plus mauvaises.

Crémer qui, n’ayant pas démenti sa lettre, comme il l’avait promis, se trouvait en fâcheuse posture à Paris, s’empressa de filer sur Versailles. Là il se trouvait en sûreté et dans un milieu qu’il supposait devoir lui être avantageux. Mais la réaction lui fit grise mine. Il était mal vu des militaires, comme n’ayant pas supporté avec eux l’inaction, et parce qu’il était venu à Tours pour se battre, et aussi pour prendre les galons des camarades restés chez l’ennemi, ayant signé le revers. Pour les ruraux, c’était un gambettiste, un de ces énergumènes qui rêvaient la guerre à outrance. Pour le gouvernement, il était un personnage remuant, peu sûr, et dont les rapports avec l’insurrection, malgré sa lettre à Vinoy, conservaient un caractère suspect. Ne pouvant obtenir le commandement qu’il espérait, Crémer demanda à marcher, comme volontaire, dans un bataillon quelconque, brûlant de combattre ceux dont il avait failli devenir le général en chef. M. Thiers refusa son offre, disant qu’il lui paraissait meilleur que pour l’instant il s’effaçât. Il devait disparaître en attendant qu’une enquête