Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/241

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fût faite sur ses agissements. Crémer se retira donc, l’âme ulcérée. Par la suite, afin de rentrer en grâce, devant la commission d’Enquête il accumula les injures et les calomnies à l’égard du Comité Central.

Le président de cette commission lui faisant remarquer qu’il était du petit nombre de ceux qui, ayant pu pénétrer dans l’Hôtel-de-Ville, avaient pu voir à l’œuvre le Comité Central, et que, pour cette raison, il lui demandait de dire à la commission comment ce gouvernement fonctionnait, Crémer répondit avec aplomb, visiblement préoccupé de flatter cette commission partiale et furieuse, de laquelle, pensait-il, pouvait dépendre sa réintégration dans son commandement :

C’tait un spectacle navrant de voir ces salles de l’Hôtel-de-Ville pleines de gardes nationaux ivres. Quand on montait par le grand escalier, il y avait dans la grande salle tout ce que l’orgie peut avoir de plus ignoble, des hommes et des femmes ivres ; on traversait deux ou trois autres salles plus calmes, et on arrivait à une autre qui donne à l’angle de la place de l’Hôtel-de-Ville et du quai. C’est là que le Comité tenait ses séances. Nous avons passé une journée à aller dans les cabarets pour trouver les membres du gouvernement, et le soir, nous avons dû faire les mêmes courses pour les ramener et les faire délibérer sur l’élargissement du général Chanzy. Ils se prenaient aux cheveux au bout des cinq premières minutes de délibération. Il n’y a pas de cabaret qui puisse donner une idée des séances du Comité Central. Tout ce qu’on a imaginé d’excentrique dans ces derniers temps, pour les petits théâtres, les Bouffes-Parisiens, n’est rien à côté de ce que j’ai vu. Si cela n’avait pas été si terrible, ces séances auraient été du plus grand comique… Je n’aurais pas cru néanmoins qu’ils en seraient arrivés où ils en sont arrivés. Si on n’avait pas fait la Commune, le Comité n’aurait jamais pu organiser une défense comme celle qui a été organisée Ils criaient, ne faisaient rien. Tout le monde voulait commander, personne ne voulait obéir, c’était la cour du roi Pétaud.

(Enquête parlementaire. Déposition du général Crémer, t. II, p. 301.)