Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/256

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les manifestants affirmaient leurs intentions pacifiques, le capitaine les laissa passer. La compagnie présenta même les armes au drapeau et les tambours battirent aux champs. Enhardie par cet accueil, la bande, toujours gesticulante et criante, retourna sur les boulevards[1]. Elle se dirigea vers la rue Drouot où se trouve la mairie du IXe arrondissement. Un bataillon du Comité Central l’occupait. Il n’y eut cependant aucune collision. Un des manifestants, mieux avisé et plus prudent que ses compagnons, fit remarquer que le drapeau avec sa seule inscription « les Amis de l’Ordre » pouvait faire prendre pour des bonapartistes ceux qui le suivaient, d’autant plus qu’il y avait parmi eux plusieurs journalistes fort connus pour leur ancien attachement au régime impérial. Il paraissait donc sage d’ajouter la mention « Vive la République ! » Cela n’engageait à rien et sauvait la mise. La colonne fit alors halte. Le drapeau, accompagné de quelques manifestants, fut introduit dans un petit café du voisinage, et, à la craie, on traça en hâte l’inscription protectrice. On se remit bientôt en marche : le pavillon républicain couvrait la marchandise.

Le cortège se dirigea vers la rue de la Paix, avec l’intention de se porter à la place Vendôme, où siégeait l’état-major de la garde nationale. Evidemment, ce jour-là, il n’était ni dans l’intention des organisateurs, ni dans l’esprit des simples manifestants, de tenter un coup de main pour s’emparer de l’hôtel de l’état-major. Le lendemain,

  1. L’auteur a vu passer, de la terrasse du café de Madrid, sur le boulevard Montmartre, le cortège revenant de la Bourse. Henry de Péne, qui le connaissait, l’ayant aperçu, fit un geste d’appel et lui cria : « Venez avec nous ! » Comme il se contentait de répondre par un signe de tête négatif, Abel Peyrouton, qui se trouvait à la table voisine, crut que l’invitation s’adressait à lui ; Il répondit vertement et un commencement d’altercation s’ensuivit. Les gens du cortège poussèrent des huées. Peyrouton et les autres consommateurs, grimpés sur leurs chaises, répondirent en acclamant la République et en invectivant la réaction. Il n’y eut aucune voie de fait, et le cortège poursuivit son chemin.