Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/257

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lors de la plus sérieuse manifestation qui suivit, les projets, tout au moins ceux des chefs, furent autres. Mais le mardi on n’avait en vue qu’une démonstration pacifique et impressionnante, une sorte de revue d’appel des forces dont espérait pouvoir disposer la réaction ; c’était la procession, inspirée du passé, à laquelle il manquait les robes de moines et les arquebuses mélangées aux cierges, pour rappeler la promenade fameuse et ridicule de la Sainte-Ligue.

Les gardes nationaux qui occupaient le poste de l’état-major laissèrent approcher, sans trop s’émouvoir, cette bande qui ne leur paraissait pas bien inquiétante. Comme à la mairie de la rue Drouot, les honneurs furent rendus au drapeau. Tout semblait donc devoir se passer pacifiquement. Le chef provisoire de l’état-major, Bergeret membre du Comité Central, se trouvait là. Il crut bon de se montrer et même de haranguer les manifestants, qu’il supposait venus apporter une pétition. Il se proposait de les inviter à se retirer sans désordre.

Bergeret, en uniforme, avec l’écharpe rouge, et entouré de plusieurs officiers supérieurs, parut donc au balcon de l’hôtel de l’état-major, à l’angle sud-ouest de la place. À peine avait-il prononcé deux paroles : « Citoyens, au nom du Comité Central », qu’il fut interrompu par une bordée de sifflets accompagnée d’injures et de huées. Sous le balcon même, un groupe d’énergumènes, le nez en l’air, scandait avec rage, sur l’air des lampions : « Vive l’ordre ! Vive l’ordre ! » Bergeret essaya vainement de dire : » Envoyez des délégués. Le Comité les entendra.. » Les cris répétés de « À bas le Comité ! » l’obligèrent à se retirer, en fermant les fenêtres. De la place, des clameurs montaient toujours, avec les apostrophes : « À bas le Comité Central ! Pas de délégués à ces gens-là ! Ils les assassineraient ! » Bergeret, ne voulant pas laisser insulter plus longtemps le Comité, donna