Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/258

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l’ordre à la compagnie qui était de piquet de refouler simplement ces tapageurs et de dégager la place, mais sans faire usage des armes. Le déblaiement s’exécuta. Il n’y eut pas un coup de baïonnette. Aucune violence sérieuse. Seulement quelques bourrades, deux ou trois coups de crosse aussi, dans le bas du dos des plus récalcitrants, et des conseils donnés avec bonhomie : a Allons ! retirez-vous ! ne faites pas les malins !… Circulez ! rentrez chez vous ! on ne vous fera pas de mal, mais f…..-nous le camp !… »

On obéit en grognant, en insultant toujours, mais sur un ton plus bas, et les plus enragés donnant le signal de la soumission et de la retraite, la manifestation bientôt fut dispersée ; la place redevint entièrement libre. Les manifestants gagnèrent la place de la Concorde, traversèrent la Seine et s’engagèrent dans le faubourg Saint-Germain, désert, endormi, où presque toutes les maisons avaient persiennes closes, où personne ne se tenait sur les portes. Ils atteignirent la place Saint-Sulpice, remontèrent le boulevard Saint-Michel et le boulevard Sébastopol.

Un groupe, vers les Arts-et-Métiers, était venu renforcer la manifestation. Il était précédé d’un nègre de haute taille qui portait un drapeau tricolore. Au boulevard Bonne-Nouvelle, un inconnu, en redingote, coiffé d’un feutre gris, se précipita sur le drapeau du nègre, s’en empara et en brisa la hampe sur son genou. Une courte bagarre s’ensuivit. L’homme fut maltraité, enlevé, et disparut dans un remous de foule. Le cortège continua sa route par les boulevards jusque devant la maison du tailleur Bonne, boulevard des Capucines. Là eut lieu la dislocation.

Avant de se séparer, on convint de se retrouver le lendemain, vers midi, toujours place de l’Opéra, pour recommencer, en la prolongeant, en l’étendant, la promenade