Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/26

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caractère vaniteux, querelleur et indiscipliné déjà se révélait. Le commandant, chef de l’escadre d’évolution à Brest, lui appliquait la mention suivante sur le tableau des propositions pour l’avancement : « Lullier, Charles — sans aptitudes, sans jugement, à besoin de tout apprendre, surtout à ne pas trop écrire. » Excentrique d’allures, atteint d’une fébrilité maladive, les gestes saccadés, la parole rauque et scandée, il apparaissait comme un échappé perpétuel des maisons de santé. Il avait cependant acquis une réputation, d’ailleurs peu justifiée, de militaire hardi, d’homme d’action, de redoutable escrimeur aussi, et on l’entourait d’un certain respect dans les réunions populaires. Les foules ont de l’admiration pour les matamores et croient les hâbleurs. Dans les bas-fonds sociaux, celui qui se déclare toujours prêt à jouer du couteau est salué du titre de « terreur » et fait la loi dans son entourage. Lullier passait pour être une terreur de cafés politiques. Maigrelet, d’une taille ordinaire, la moustache blonde, peu épaisse, tortillée, mordillée avec fureur, les yeux gris-bleu fixes, la lèvre crispée, les mouvements anguleux et toujours surexcité à la tribune ou à une table de café, soit qu’il fit le procès de la marine et de ses chefs, soit qu’il lançât des défis à ses adversaires éloignés, Lullier produisait l’impression d’un de ces casse-cou, prêts pour toutes les entreprises téméraires. On le croyait capable de les mener à bien. On lui attribuait, sur sa parole, une grande compétence militaire. En même temps, il était considéré comme un intrépide et un vaillant, avec lequel les ennemis de la démocratie devraient compter. On était flatté, dans les groupes républicains, d’avoir avec soi un officier, un vrai militaire. Son grade de lieutenant de vaisseau était moins familier aux oreilles parisiennes que celui de capitaine dans l’armée de terre. On l’appelait commandant, et cela sonnait