Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/260

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Cette supposition, que plusieurs écrivains ont paru admettre, était ingénieuse ; l’éventualité qu’elle indiquait n’était nullement impossible, mais invraisemblable. Rien n’en saurait démontrer la réalité. Dans les propos et les conciliabules de quelques-uns des meneurs de la manifestation, le tailleur Bonne par exemple, les fournisseurs de la cour et les journalistes regrettant l’empire pendant lequel ils avaient eu succès, influence, faveurs, ce calcul chimérique pouvait avoir été envisagé. Mais les esprits raisonnables ne s’étaient pas arrêtés un instant à le considérer comme exact, comme sérieux. La masse des citoyens n’avait qu’horreur ou mépris pour l’empire. Rien que le nom de Sedan suffisait à empêcher qu’on osât parler en public de Napoléon III. Comme cela paraissait lointain, oublié, l’empire ! Les départements avaient témoigné qu’ils ne voulaient plus du régime qui avait amené l’invasion. Ils avaient élu en masse des hobereaux légitimistes ou orléanistes, mais quelques rares impérialistes avaient à grand’peine pu se glisser dans l’Assemblée, et encore à la faveur de commandements exercés dans la mobile ou de grandes situations territoriales. Pas un des ministres, ni des personnages marquants de la fin de l’Empire, n’était revenu à la surface, tous avaient été engloutis dans le naufrage commun. Et puis la menace de l’intervention de Bismarck eût probablement suffi à réunir Paris et Versailles, et à faire tomber, un instant, les armes des mains des insurgés, mais pour les reprendre aussitôt, non plus contre des Français, mais contre l’ennemi commun. Non ! les manifestants des 21 et 22 mars, parmi lesquels se trouvaient certainement d’actifs bonapartistes, mais honteux ou prudents, n’eurent pas l’intention perfide ni l’espoir diabolique de provoquer, par une collision dans Paris, l’intervention allemande et la rentrée de Napoléon III, sous la protection des ulhans,