Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/261

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comme les Bourbon, en 1815, étaient revenus en croupe des cosaques. Napoléon [II aurait pu d’ailleurs ne pas se prêter à une restauration due à l’Allemagne.

Mais leur calcul était tout autre, car il y eut certainement un calcul. La combinaison que ces deux manifestations sans armes, qui semblent aujourd’hui dérisoires et vaines, devait faire réussir, n’était pas dépourvue de chances. Elle dénotait de l’habileté politique dans sa conception.

Sauf chez quelques bonapartistes impénitents, comme Bonne, aucune arrière-pensée de restauration napoléonienne n’animait ces perturbateurs, amis de l’ordre. Ils acceptaient, pour la plupart, la République avec les hommes du 4 septembre, avec M. Thiers surtout, la République sans républicains. Le mot de République ne les choquait ni ne les épouvantait, mais à condition qu’il restât un mot, qu’il ne devint pas un fait, une réalité. Ils craignaient par-dessus tout la domination de la plèbe, le régime des ouvriers. Et puis beaucoup maudissaient les désordres de la rue engendrant le malaise dans les affaires, l’incertitude du lendemain. Ils ne comprenaient l’agitation que lorsqu’ils étaient eux-mêmes les agitateurs. Ils avaient le tempérament frondeur et agressif de tous les bourgeois de tous les temps qui crient et dénigrent, toujours mécontents du gouvernement qu’ils ont, mais toujours également disposés à se taire et à le supporter, si ce gouvernement montre les dents et ne se laisse pas manquer de respect. Cette bourgeoisie raffole de la poigne, même quand c’est elle qui est empoignée. Deux jours après les manifestations, le Comité Central était non seulement respecté, mais presque approuvé, et sans doute tout bas admiré.

En se mêlant à la procession pacifique organisée par le tailleur Bonne, les manifestants, en grande majorité, voulaient