Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/262

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seulement affirmer leur mécontentement de l’interrègne et du retard apporté aux élections. Leur désir de voir s’établir un gouvernement régulier s’alliait au souhait de la fin des troubles et de la reprise des affaires. Mais les chefs, les inspirateurs du mouvement, avaient une vision plus étendue des choses, et ils se proposaient un autre but qu’un simple accord électoral. En promenant à travers la moitié des quartiers de Paris un drapeau de l’ordre, et en faisant se dérouler un cortège, d’autant plus nombreux que la promenade apparaîtrait sans danger, ils voulaient montrer leur nombre et affirmer qu’une grande partie de la population, celle qui représentait le commerce, les affaires, des intérêts considérables, était hostile au Comité Central, ne voulait pas de l’établissement d’une Commune, et était prête à seconder Versailles. Les représentants à Paris de l’Assemblée pouvaient, par conséquent, compter sur un appui sérieux dans la cité même. C’était une protestation vivante contre la révolution, et la déclaration d’alliance avec la réaction, un encouragement aussi à M. Thiers. La démonstration venait en temps opportun.

La province commençait à bouger. On signalait des mouvements dans les grandes villes. Lyon, Marseille, Narbonne, Saint-Étienne, Toulouse, allaient-elles avoir leur Dix-Huit mars ? En connaissant ces promenades d’opposants, pacifiques aujourd’hui, mais qui demain pouvaient ne plus l’être, en apprenant que la moitié de Paris réprouvait la Commune, la province, dont l’hésitation déjà était grande, arrêterait aussitôt son adhésion, se tiendrait tranquille. Le Dix-Huit mars lui apparaîtrait comme une révolution de la minorité, contestée dans Paris même, dont l’opinion serait réputée se prononcer en majorité pour Versailles.

Cette descente dans la rue des Amis de l’Ordre, c’est-à-dire des amis de Versailles et des ennemis des républicains