Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/263

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avancés, car c’étaient les mêmes hommes ayant résisté et arrêté les insurgés au 31 octobre, qui se montraient derrière le tailleur Bonne, favorisait grandement les desseins de Thiers. Le Comité Central, s’il en avait eu l’intention, se serait bien gardé à ce moment-là de lancer ses bataillons sur la route de Versailles. Il ne pouvait songer à se répandre au dehors, se trouvant menacé à l’intérieur par ces Amis de l’Ordre, auxquels se joindraient bientôt les bataillons dissidents qu’on tentait de grouper autour de Saisset, de Schœlcher, de Tirard, d’Héligon, de Dubail, dans les mairies des Ier et IIe arrondissements, au Grand-Hôtel et à la gare Saint-Lazare.

Les bonapartistes de marque servaient ainsi l’Assemblée et M. Thiers, parce qu’ils se ralliaient au parti qui paraissait devoir abattre la révolution et préparer une réaction formidable, dont peut-être l’impérialisme profiterait. On pouvait déjà prévoir que M. Thiers vainqueur serait sans pitié pour les hommes de révolution, pour les républicains avancés, et ceux-là seuls pourraient faire obstacle par la suite aux menées des bonapartistes. Ceux-ci allaient là où ils sentaient la force réactionnaire, où ils espéraient trouver des avantages pour leur parti, dans l’avenir. Ils se trompaient et les événements ont déjoué leurs projets, détruit à jamais leurs espérances, mais, à cette époque, ils n’avaient pas perdu toute confiance dans la fortune des Napoléons ; ils pensaient que la victoire de M. Thiers et la défaite des Parisiens républicains faciliteraient grandement leurs affaires.

Ainsi le but secret de ces manifestations était d’influencer l’opinion, surtout en province et de persuader que Paris était en majorité hostile an Comité Central, à la Commune, à la République.

On comprend alors pourquoi les manifestants n’avaient pas besoin d’être armés. On ne leur demandait pas de se