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battre, mais de faire nombre, au grand jour. Donc il était inutile et même dangereux de venir avec des armes. Certains acteurs de la seconde manifestation ont raillé et traité de sotte cette recommandation, habile pourtant ; d’autres ont dissimulé le but en blâmant cette consigne pacifique.

Nous avions eu la gentillesse, à écrit Henry de Pène en ses Commentaires d’un blessé, de laisser nos fusils à la maison. Nous pensions que, désarmés, nous serions peut-être sacrés pour quelques-uns. Nous étions dans l’erreur jusqu’au cou.

Un autre manifestant, qui fut blessé lui aussi, M. Gaston Jollivet, a dit dans le même sens, dans une lettre au comte d’Hérisson :

J’apportais, pour ma part, de très peu pacifiques sentiments à la manifestation pacifique. Dans mon humble opinion, il n’y avait pas à parlementer avec les bataillons fédérés, mais, après la sommation d’usage, à tirer sur eux, Si l’on se trouvait en nombre. Aussi ce jour-là me suis-je évertué à dire aux braves gens qui se dirigeaient vers la place Vendôme : « Rentrons chez nous, prenons nos fusils, revenons nous masser à une heure fixée aux environs de l’Opéra, et puis en avant dans la direction de la rue de la Paix. Il est probable que le ciel ne m’a pas départi le don de l’éloquence, Car je n’ai converti personne à mon idée.

(Comte d’Hérisson, Nouveau Journal d’un officier d’ordonnance, p. 100.)

Le comte d’Hérisson s’était écrié lorsqu’on donna rendez-vous pour le lendemain : « Bravo ! parfait ! On apportera des fusils avec des cartouches plein ses poches, n’est-ce pas ? » Mais quand on lui recommanda : « Non ! pas de fusils ! » il s’abstint, regardant passer la manifestation du perron de Tortoni, « étant, dit-il, un peu semblable aux ouvriers qui se munissent toujours de leurs outils avant de se rendre au travail, et qui riraient au nez de leurs patrons s’il leur commandait d’aller sans rabot ».

Malgré l’opinion de ces belliqueux manifestants, l’idée