Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/265

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de se livrer à une démonstration sans armes était, en laissant de côté la peur légitime des coups, plus politique, et son résultat pouvait être plus efficace. Une manifestation armée, avec les coups de fusils inévitables, c’était une émeute. Le combat aurait eu lieu dans les plus défavorables conditions pour ceux qui le risquaient. Les manifestants eussent été écrasés par le nombre. Ils n’étaient ni de force, ni de tempérament à improviser une bataille des rues. La compétence barricadière faisait défaut à beaucoup de ces boursiers et de ces rentiers. Et, puis, si une certaine sympathie devait aller à des manifestants pacifiques, recevant des coups de feu, bien qu’ils les eussent cherchés, provoqués, aurait-on pu s’indigner, ou même s’étonner, qu’à une attaque de vive force, la force répondit ?

Le but de la démonstration eût été manqué, puisqu’il s’agissait de prouver que la population paisible, raisonnable, laborieuse, protestait contre le Comité Central, contre toute insurrection. Et puis, une prise d’armes n’était-elle pas aussi bien tardive ? C’était au matin du dix-huit mars, quand le général Vinoy faisait battre désespérément le rappel, quand le gouvernement appelait à son aide les bataillons bourgeois, lesquels se gardaient bien de répondre, que les Amis de l’Ordre auraient dû prendre leurs fusils, leurs cartouches et se rendre place Vendôme ou place de la Concorde. Là ils eussent trouvé des régiments avec de l’artillerie, pour les encadrer et les soutenir. Armée, la manifestation du 22 mars eût été ridicule et odieuse ; sans armes elle ne risquait que d’être ridicule et vaine, comme la démonstration des fameux bonnets à poils de 48. Désarmée, elle pouvait abuser l’opinion par son nombre et même s’attirer quelques sympathies, si elle revenait avec des blessés, comme cela est arrivé.

La manifestation, qui s’était achevée la veille sans effu-