Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/266

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sion de sang, devait au contraire se terminer tragiquement le mercredi 22. Il est des provocations qu’il est sage de ne pas réitérer. Le lieu de rassemblement était le même. On se forma donc en cortège, place de l’Opéra, vers midi et demi. En tête, le drapeau des Amis de l’Ordre, porté par le nègre de la veille ; une collision probable entre blancs semblait amuser cet homme de couleur, dont on ne s’expliquait guère la présence au premier rang. Il avait, pour justifier son rôle de porte-drapeau des insurgés de l’ordre, l’explication de son dévouement de race à Schœlcher, le père des nègres, comme on le nommait depuis 48. Le promoteur de l’abolition de l’esclavage dans les colonies était devenu en effet le second chef de la résistance parisienne, et Saisset l’avait pour assesseur dans les réunions et conciliabules du Grand-Hôtel.

Schœlcher cependant ne se trouvait pas à la manifestation du 22, mais Saisset, bien à regrets, avait été entraîné, porté, poussé au premier rang, à côté de MM. Reinhart, de la confiserie Siraudin, Henry de Pène, Gaston Jollivet et autres militants de la réaction. Saisset ne conduisit la bande que malgré lui et, obligé de suivre ceux dont il venait d’être nommé chef, il fut l’un des premiers à détaler. Le brave amiral Saisset n’était vaillant que derrière une armée et à bonne distance des projectiles. Un des manifestants, Henry de Pène, s’il a battu en retraite, a du moins conservé un témoignage cuisant de sa présence au premier rang : une balle dans le derrière. Ce blessé a dit : « Il ne manquait plus, pour achever la cause de l’ordre, que l’expédition ridicule de l’amiral Saisset, qui vint, ne vit rien, et laissa ses lorgnettes et ses gants au Grand-Hôtel, avec une paire de canons et de mitrailleuses qu’on avait rattrapées, et qu’on rendit sans coup férir. »

L’amiral Saisset, pour justifier le peu d’élan qu’il mit à