Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

En revenant de sa « reconnaissance », M. Charles Bocher a dû certainement faire part aux manifestants de ce qu’il avait observé. Ceux-ci étaient donc prévenus. Ils persistèrent néanmoins dans leur tentative téméraire. Les organisateurs cherchaient visiblement une collision ; ils espéraient intimider par leur nombre et leur attitude la compagnie déplorée sur trois rangs, forcer, déborder et probablement désarmer les gardes, puis les disperser. C’était incohérent comme plan, et bien que M. Charles Bocher leur eût fait part de ses craintes, ils ne voulurent rien entendre, dit-il, et poussèrent en avant :

Arrivés devant la compagnie que je leur avais signalée, ils furent repoussés, d’abord à l’arme blanche, et, comme ils cherchaient à forcer cette première ligne de défense, on fit feu sur eux. Une panique s’ensuivit. Ceux qui n’avaient pas été atteints se sauvaient dans toutes les directions, appelant aux armes ! on nous égorge ! Mais cet appel ne fut pas entendu, et le parti de l’ordre ne se montra plus à Paris, depuis cet acte d’extrême violence.

Un autre témoin dit :

Le Comité Central avait sans doute donné des consignes sévères, car les premières sentinelles, loin de présenter les armes à la manifestation comme elles l’avaient fait la veille, refusèrent formellement de lui laisser continuer sa route. Alors que se passa-t-il ? Deux foules étaient en présence, l’une sans armes, l’autre armée, surexcitées toutes les deux, l’une voulant aller de l’avant, l’autre décidée à barrer le chemin. Un coup de pistolet fut tiré. Ce fut un signal. Les chassepots s’abaissèrent. Ce coup de pistolet, qui l’a tiré ?

(Catulle Mendès. Les 73 journées de la Commune, page 32.)

Il est très difficile de dire qui a pu tirer ce coup de pistolet (ou de revolver), mais s’il a été tiré, ce ne peut être que du côté des manifestants. Les gardes nationaux avaient