Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/271

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massés sur la place Vendôme. La foule qui nous suit nous presse contre eux.

Ceux-ci, immobiles, paraissent tout d’abord tout décontenancés. Un certain nombre de gardes placés à l’angle de rue Neuve-Saint-Augustin restent l’arme au pied. J’avise l’un d’eux et je m’écrie : Vive la République ! crosse en l’air ! — Laissez-nous tranquilles (répond le garde) et f.. le camp… ! Un roulement de tambour interrompit cette conversation. Nous pûmes un moment espérer que le calme se rétablirait, quelques fusils s’abaissaient, puis se relevaient lentement, Les officiers avaient tiré leur épée et deux autres roulements avaient succédé au premier. Un instant après la charge sonne. J’aperçois la fumée sortir d’un fusil relevé aussitôt, d’autres armes s’abaissent et les décharges se succèdent rapidement…

On remarquera que toutes ces citations émanent des journaux réactionnaires, ou faisant montre, comme le Rappel, d’une neutralité hostile et défiante envers le Comité Central.

Tous, malgré quelques divergences de détails, reconnaissent dans leurs récits, écrits le jour même de la collision : 1o que les manifestants se dirigeaient vers des troupes en service, barrant le passage ; 2o qu’ils voulurent forcer ce barrage ; 3o que quelques manifestants (récit de l’Opinion nationale) criaient : Crosse en l’air ! et complétaient cette invite à la défection en cherchant à désarmer les factionnaires isolés qu’ils entouraient ; 4o que les factionnaires avancés, placés à la rue Neuve-St-Augustin, durent se replier vers les compagnies massées place Vendôme ; 5o que des sifflets, des insultes, des appels à l’indiscipline se produisirent et qu’on essaya de débaucher ces troupes ; 6o que des roulements de tambour et des injonctions d’avoir à se disperser, parfaitement interprétés comme sommations légales, eurent lieu ; 7o qu’un ou deux coups de fusils tirés en l’air retentirent, et qu’ensuite seulement se produisit la décharge meurtrière.