Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/281

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sailles, l’Assemblée, le gouvernement ralliés, entourés d’une armée de 45,000 hommes nullement ébranlés, sont en mesure de dominer les événements, et les dominent dès aujourd’hui.

Lille, Lyon, Marseille, Bordeaux sont tranquilles. Vous pouvez donner aux populations ces nouvelles qui sont rigoureusement vraies, car le gouvernement qui vous les adresse est un gouvernement de vérité. Il reste bien entendu que tout agent de l’autorité qui pactiserait avec le désordre sera poursuivi selon les lois, comme coupable de forfaiture.

Cette dépêche était mensongère. Les 45,000 hommes de troupes n’existaient que dans les désirs de M. Thiers. Il les attendait, mais l’Allemagne ralentissait les rapatriements, et il ne savait quand il aurait enfin dans la main la force qui lui était nécessaire, pour jeter le masque conciliateur et démasquer, non plus au figuré, mais au réel, ses batteries, pour commencer le bombardement de Paris. La tranquillité des grandes villes qu’il annonçait avec aplomb n’était pas exacte. Déjà Lyon, Marseille, Narbonne s’agitaient et allaient proclamer la Commune, une Commune éphémère sans doute, mais ce n’étaient pas là des nouvelles qu’on pouvait qualifier de « rassurantes ». Disposant des lignes télégraphiques, et Paris n’ayant plus aucune communication avec l’extérieur, M. Thiers pouvait ainsi tromper la France. Ces mensonges lui furent fort utiles et contribuèrent pour beaucoup à laisser Paris poursuivre seul l’œuvre révolutionnaire. La province ignorait, doutait, hésitait, finalement ne bougea plus.

Le ministre de l’intérieur, Picard, envoyait de même aux préfets des dépêches confiantes et inexactes :

La situation n’est pas aggravée, L’insurrection est désavouée par tout le monde. Elle est déshonorée par des actes de violence individuels.

Les maires protestent unanimement et se refusent à procéder aux élections.