Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/289

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pouvaient songer à attaquer, à moins de supposer une marche vers le Vexin, par Pontoise ! Il réclama aussi des marins. M. Vautrain le pressait de venir rejoindre les braves qui l’attendaient à la mairie de la rue de la Banque. Il répondit, peu séduit par la proposition : « Il ne faut pas me faire prendre comme un rat dans une souricière, je vais me placer au Grand-Hôtel », et il ajoutait, tout étonné, et tout fier de son audace : « C’était un pas en avant ! » Il demandait surtout à en faire deux, ou plus, en arrière. Pour justifier sa conduite ultra-prudente, le bon amiral n’a pas hésité à calomnier les gardes nationaux de l’ordre, accourus à son appel, prêts à se battre et croyant qu’on allait les lancer immédiatement contre l’Hôtel-de-Ville.

Ces volontaires pouvaient être d’endurcis réactionnaires, mais ils n’étaient pas des poltrons. Saisset avait l’âme de Trochu, sans en avoir les talents oratoires. Il tint un discours peu éloquent aux hommes de bonne volonté, rangés autour de lui, impatients de l’entendre lancer ce cri, qui n’était ni dans son cœur ni sur ses lèvres : « En avant ! » L’amiral leur dit simplement : « Placez-vous au Nouvel-Opéra et bornez-vous à vous défendre. Vous le voyez il n’y a pas moyen de tenter une action offensive, il n’y a pas moyen de faire une répression de l’insurrection ; elle est audacieuse, elle est fortifiée, vous ne pouvez rien de plus ! » Et il donna l’ordre de se borner à défendre les propriétés, les femmes, les enfants (que personne ne pensait à attaquer), avec interdiction d’engager l’action dans la rue. C’était un langage à décourager les trois cents des Thermopyles.

L’amiral, dont les sentiments pacifiques croissaient avec le danger qu’il voyait imminent, avait une telle hâte de rentrer chez lui, qu’il s’en fut à Versailles solliciter un ordre de retraite.

« J’avais la conviction, a-t-il déclaré dans l’Enquête,