Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/29

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parti républicain, dont les militants, souvent provoqués, ne passaient point pour être de taille à se mesurer avec les fines lames du clan bonapartiste. Rochefort, et les autres polémistes combattant l’empire, revenaient généralement endommagés de ces rencontres, et cela produisait un effet fâcheux dans l’opinion. Le prestige de Lullier demeurait intact, précisément parce qu’il ne se battait jamais. On répétait naïvement dans le public que Paul de Cassagnac, classé comme épée redoutable et qui n’avait plus à faire ses preuves, avait eu peur de Lullier. C’était une illusion. À était exact que M. de Cassagnac avait refusé un cartel tapageur de Lullier. Pourquoi cette fin de non-recevoir ? On ne peut admettre que ce fût par crainte. Il est probable que les allures désordonnées de son adversaire firent craindre au spadassin bonapartiste un résultat grave, pour Lullier, et l’éventualité d’une issue funeste à cette rencontre bruyamment cherchée lui en fit éviter l’aventure. Il ne voulait pas être accusé d’avoir blessé, ou tué peut-être, un extravagante et maladif adversaire, incapable de se défendre. En réalité, ce duel ne pouvait offrir aucun danger pour Cassagnac, et ce fut son refus inexplicable de croiser le fer avec Lullier qui fit toute la réputation de cet inoffensif champion. Lullier ne fréquentait aucune salle d’escrime, n’était nullement classé comme tireur parmi les amateurs. S’il avait, comme tous les officiers de marine, fait des armes dans sa jeunesse, à l’école navale, depuis, ne pratiquant pas, il s’était rouillé. L’escrime, c’est un peu comme le violon. L’exercice doit en être continu. Si Paganini, a dit justement Balzac, avait cessé, un seul matin, de prendre son archet, Paganini fût demeuré un violoniste ordinaire. L’épée, comme l’archet, exige un exercice constant. Et Lullier n’était ni un virtuose, ni même un adepte de capacité ordinaire en fait d’armes. Par négligence, ou pour toute autre cause, il ne s’était