Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/30

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jamais exercé. Son duel avec le clerc Boiron fournit la preuve de son manque de science, de son défaut d’entraînement, et le parti qui le prenait pour champion eût éprouvé la plus complète déception, si le fier-à-bras du café de Madrid eût été amené sur le terrain en face d’un adversaire sérieux. Mais la légende était si bien établie, Lullier était si flatteusement classé comme le seul escrimeur devant qui Cassagnac eût reculé, que ce mérite lui valut d’être proposé comme candidat, à Paris, aux élections de novembre 1869, dans le 3e arrondissement (Arts-et-Métiers). Il y avait trois concurrents importants : le bonapartiste Pouyer-Quertier, industriel renommé, et deux hommes de 48, de grand talent : Pascal Duprat, ancien constituant, orateur, philosophe, journaliste de haute valeur, et Crémieux, ancien membre du gouvernement provisoire. Un racoleur de clients sur les degrés du tribunal de commerce, le défenseur officieux Falcet, une des notoriétés des réunions publiques, présenta Lullier le recommanda aux électeurs réunis, salle Molière, en ces termes qu’il estimait persuasifs : « Citoyens, vous n’avez pas besoin d’écrivains ou d’avocats pour renverser l’empire, ce n’est pas avec la langue ou avec la plume qu’on fait les républiques, c’est avec du fer ! Je vous demande de voter tous pour le lieutenant de vaisseau Lullier. Je vous présente en sa personne l’épée de la République ! » Les électeurs ne prirent au sérieux ni le présentateur ni le présenté, et ce fut Crémieux qui passe.

Mais au 18 mars, l’occasion se trouva de caser la fameuse épée. On a vu l’accueil, plutôt frais, fait au « général » Langlois se présentant aux quelques membres du Comité Central réunis à l’Hôtel-de-Ville, après le départ de Jules Ferry, dans la soirée de l’insurrection. Langlois évincé, il paraissait urgent de nommer sur-le-champ un chef à la garde nationale. Lullier se trouvait là. Quelqu’un