Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/308

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qui le questionnèrent. Les paroles suivantes s’échangèrent alors au milieu de rumeurs et de grognements :

— Voyons, Tirard, est-ce que l’affiche de Saisset apposée dans Paris est réelle ? — Messieurs, elle est très réelle. — Vous l’avez vue ? — Je l’ai vue. — Mais c’est impossible — Je vous assure que je l’ai vue, écrite en entier de la main de l’amiral. — Comment l’amiral a-t-il pu préjuger nos décisions et faire promesse de choses qui ne sont même pas en discussion ? — Il s’est cru autorisé par le gouvernement. — Alors le gouvernement nous a trompés en envoyant cet homme à Paris !…

Le groupe, qui accablait l’embarrassé Tirard de ces interrogations auxquelles il ne pouvait donner réponse satisfaisante, se dispersa furieux. De bureaux en bureaux, la nouvelle circula que l’amiral Saisset se disant autorisé du chef du pouvoir exécutif, traitait avec l’émeute, donc trahison ! Les droitiers impatients de saisir la première occasion, à leurs yeux favorable, pour tenter un essai de restauration monarchique, parlèrent aussitôt de remplacer M. Thiers. Ils proposèrent de lui donner pour successeur le prince de Joinville ou le duc d’Aumale. Le prince de la maison d’Orléans qui serait choisi prendrait, en attendant le trône, le titre de lieutenant général des armées françaises. Une séance de nuit était indiquée, et à cette séance la proposition devait être faite.

Le bruit prit assez de consistance pour effrayer Jules Simon qui le colporta, tout effaré, parmi les groupes républicains. M. Thiers, sans trop s’alarmer, ne négligea cependant pas cette rumeur. Bien que très fatigué, il se rendit à cette séance de nuit. Il voulait, là aussi, gagner du temps, et empêcher une discussion sur les élections parisiennes. On ne pouvait prévoir, étant données les dispositions des royalistes, ce qui pourrait sortir d’un débat aussi péril-