Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/309

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leux. Il savait à quoi s’en tenir sur la réalité des promesses faites par Saisset, mais il ne lui convenait pas de les démentir aussi vite. Il résolut de brusquer la séance de nuit. Il s’entendit avec M. de Peyramont, président de la commission chargée d’examiner la proposition des maires. Celui-ci convint de ne pas réclamer la discussion du rapport. En même temps, M. Thiers avisa M. Tirard qui se disposait à monter à la tribune : « Soyez prudent, lui dit-il, n’éternisez pas la discussion. L’assemblée n’est pas calme en ce moment, et je ne suis pas tranquille ! » M. Tirard comprit l’avertissement. Il tint compte des inquiétudes manifestées par le chef de l’état, et arguant de ce que le rapport de la Commission n’était pas prêt, il déclara renoncer à la parole. M. de Peyramont entrant dans ces vues affirma que la discussion était pleine de dangers, et au nom de la commission demanda l’ajournement. M. Thiers alors crut devoir intervenir. Il monta à la tribune, soucieux et nerveux. Il s’exprima d’une façon ambiguë, lui d’ordinaire si clair et si précis. Il énonça des anxiétés vagues, et comme il avait déjà engagé M. Tirard à s’abstenir et à ne pas insister pour que la discussion commençât, il demanda que le débat sur la proposition des maires de Paris fût renvoyé à une séance ultérieure :

Il serait possible, dit-il, qu’une parole malheureuse, dite sans mauvaise intention, fasse couler des torrents de sang. Si vous êtes une assemblée vraiment politique, je vous adjure de voter comme le propose la Commission, de ne pas vouloir des éclaircissements, qui, dans ce moment-ci, seraient très dangereux. Si la discussion s’engage, pour le malheur du pays, vous verrez que ce n’est pas nous qui avons intérêt à nous taire.

La séance fut aussitôt levée par le prudent Grévy. Le péril du renversement de M. Thiers et de l’élection du duc