Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/318

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parla comme d’un événement politique de la présentation, dans une soirée officielle, de l’auteur supposé du cri irrespectueux au baron de Morenheim, ambassadeur de Russie.

Le salut à la Pologne, dont Floquet a endossé la responsabilité, a été certainement lancé, et l’auteur anonyme de cette protestation ne faisait du reste qu’exprimer le sentiment populaire. Si l’on citait Adam Mickiewicz au quartier latin et dans les milieux lettrés, on entonnait dans les ateliers, dans les faubourgs, un hymne à la Pologne d’Édouard Plouvier : « L’âme de la Patrie, celle qui ne meurt pas ! » popularisé par la chanteuse plébéienne Bordas. Si, aujourd’hui, ce sentimentalisme polonophile est éteint, ou paraît bien désuet, et, s’il est actuellement prudent, étant donnée l’utilité de l’alliance Franco-Russe, de ne point témoigner de trop bruyantes sympathies pour la malheureuse Pologne, victime de la violence et de la déprédation de rois puissants, il n’en était pas de même en 1867. Peut-être peut-on penser aujourd’hui encore, que dans un pays comme le nôtre, ayant subi en partie le sort de la Pologne et menacé de le subir plus complètement dans l’avenir, il serait toujours actuel et nullement ridicule, l’hommage à une race asservie, à une patrie vaincue, à cette vaillante nation livrée à la curée des vainqueurs, morte enfin et qui encore ose espérer sa résurrection. La sympathie pour cette noble proie ne saurait apparaître, à des Français, blâmable. On ne prescrit pas contre le droit ! voilà ce que signifiait le cri proféré au palais de Justice, et si l’on peut contester son opportunité, lors de la visite d’un hôte, on doit l’excuser tout haut, et l’admirer, mais tout bas, pour motif diplomatique.

Cette exclamation arrachée à un membre du barreau républicain ne fut pas une gaminerie, comme l’ont qualifiée les plus indulgents, mais un élan du cœur, un appel à la justice immanente, une affirmation du droit, analogue à ce