Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/32

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mois de lutte, aucune ne fut plus désastreuse. Si la Commune avait occupé et conservé le Mont-Valérien, les conditions de la bataille changeaient entièrement, et à défaut d’une victoire finale et décisive, une transaction se serait imposée.

La reprise par les troupes de Versailles de la citadelle de Paris, négligée ou abandonnée par la faute de Lullier, puisque, investi du commandement supérieur, c’était à lui qu’il incombait d’envoyer à temps des troupes suffisantes afin de garder cette clef de la cité, fut-elle due à l’incapacité ou à la trahison ? Dans une réunion mémorable tenue à l’Élysée-Montmartre, après la rentrée des amnistiés[1], Lullier, revenu de Calédonie, fut mis en accusation, avec une certaine solennité. Tony Révillon, député de Belleville, présidait. Lissagaray, combattant de la suprême semaine et auteur d’une remarquable Histoire de La Commune, prononça un éloquent et sévère réquisitoire contre Lullier.

Alphonse Humbert, revenu de Calédonie, où pour fait de presse il avait subi la peine exorbitante du bagne, démontra la culpabilité de l’accusé.

L’assemblée ratifia par son vote les conclusions de l’orateur. L’ex-général de la garde nationale fut convaincu d’avoir trahi, en permettant au gouvernement de Versailles de reprendre facilement la forteresse délaissée. Ce fut une condamnation morale, sans sanction possible, mais Lullier s’y soumit en disparaissant.

La trahison calculée, voulue, et portant sur ce fait, pris isolément, de la non-occupation du Mont-Valérien, n’a pas été nettement et absolument établie, mais plusieurs autres actes de Lullier et son attitude en diverses circonstances, le rendent aisément suspect. En Calédonie, au bagne, il

  1. L’auteur, qui faisait partie de la commission préparatoire, assistait à cette séance.