Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/322

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évêque d’Angers. M. Floquet, comme par un acte de déférence ultime envers un collègue qui réprouvait ses idées de libre-penseur comme il avait combattu ses idées et ses actes politiques, rendit hommage à l’ardeur des convictions de l’évêque, à l’éloquence passionnée qu’il apportait à leur défense, et il donna, sans affectation, au défunt, la qualification de « Monseigneur », qui n’est pas dans les usages parlementaires, ni dans le protocole officiel. Cette courtoisie et ces égards posthumes envers un adversaire, souvent pour lui peu bienveillant, dépeignent l’homme tout entier. Il était fidèle à l’amitié, serviable à l’excès, aimé de tous ceux qui l’ont approché. Ilse montra toujours d’une condescendance parfaite à l’égard de ses contradicteurs. Parfois, quand des violents et des impolis le poussaient à bout, il montrait une dédaigneuse impertinence qui rangeait de son côté les rieurs.

La façon dont il reprit l’exubérant Paul de Cassagnac, à la séance du 8 février 1888, est restée fameuse dans les souvenirs parlementaires. Le fier-à-bras bonapartiste s’agitait à son banc, et proférait ses injures coutumières envers les républicains, à propos d’une observation à M. Le Provost de Launay, dans un débat relatif à l’affaire Wilson. Il mêlait des attaques directes, visant le président, à ses vociférations. Avec un grand sang-froid, M. Floquet laissa tomber cette observation sur le ton de l’indulgence méprisante : « Monsieur de Cassagnac, je vous invite à rester calme. Vous savez que vous ne faites peur à personne dans cette assemblée. » On applaudit. M. de Cassagnac voulut se rebiffer : « C’est là votre ancien langage du palais, un langage d’estaminet ! » cria-t-il au milieu des exclamations de la gauche réclamant un rappel à l’ordre. L’allusion à la légende polonaise était évidente. Très digne, sans élever la voix, M. Floquet dit, en se tournant à demi vers la gau-