Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/327

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raconté cette arrestation, dont le point de départ avait été le refus de Lullier de se porter à la place Vendôme, pour barrer le passage à la manifestation réactionnaire du 22 mars. Le Comité donna l’ordre à Lullier de se présenter devant lui. En même temps il chargea l’un de ses membres, Assi, d’amener le chef suspecté, si, comme il était probable, il essayait de ne pas comparaître, se sachant coupable et se sentant menacé :

Après bien des allées et venues, dit Lisbonne, Lullier se décida à obéir. Arrivé au milieu de nous, et lorsqu’on lui reprocha les fautes qu’on pouvait à juste titre considérer comme autant de trahisons, il se leva furieux et nous défia : « Qui de vous, s’écria-t-il, oserait décréter mon arrestation ? Je n’aurais qu’un mot à dire : il y a sur la place de l’Hôtel-de-Ville trente bataillons, qui répondraient à mon appel, et c’est moi qui vous ferais tous fusiller ! » Ces menaces ne produisirent aucun effet. Avant son arrivée le Comité avait décidé son arrestation, et le décret circula parmi les membres du Comité pour y apposer la signature. Il fut mis dans une salle sous la garde d’un seul citoyen. Au dehors, des sentinelles placés par Assi répondaient du général. Il y passa la nuit, et le lendemain le capitaine Fossey, aide de camp du gouverneur de l’Hôtel-de-Ville, assisté de trois gardes fédérés, faisait monter Luilier dans un fiacre pour le conduire à la préfecture de police. Fossey était assis en face du général, il lui dit : « Nous allons traverser la place de l’Hôtel-de-Ville : elle fourmille de bataillons. Si vous mettez le nez à la portière de la voiture, si vous dites un mot, si vous faites un geste, je vous fais sauter la cervelle ! » Lullier se tint coi, et un quart d’heure après il était écroué à la Conciergerie.

Ainsi il a fallu au Comité Central pour le décider à cet acte viril : 1o que le général n’exécutât point l’arrestation des membres du gouvernement aux affaires étrangères, dans la journée du 18 mars, ou tout au moins qu’il ne la tentât point ; 2o que le général parlementât avec le colonel Ferrier, ce qui fut cause du départ de ses troupes pour Versailles ; 3o que le général n’essayât point de s’emparer du Mont-Valérien qui n’avait qu’une garnison de 120 hommes ; 4o que le général refusât de marcher contre la manifestation des gens de l’ordre.