Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/331

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours et se plaisait à affronter le danger, poussant le courage jusqu’à la plus folle témérité. Il avait été comédien, et il conservait devant des sabres, qui n’étaient pas des accessoires de théâtre, et sous la pluie des obus, qui n’étaient pas chargés de poudre de lycopode, la crânerie des Buridan et des d’Artagnan de son répertoire. Les allures de mousquetaire de l’ancien cabotin, excusables par la bravoure dont il fit montre en vingt occasions, méritent encore l’indulgence par la modestie qui les accompagnait. Il devenait simple, lorsqu’il parlait de lui-même ; ce matamore se faisait bonhomme et discret lorsqu’il lui fallait mentionner ses actes de courage. Dans ses « Souvenirs », signés du pseudonyme transparent de Portugal, écrits à la presqu’ile Ducos, et demeurés inédits, sauf quelques communications faites à des amis, comme Gaston Da Costa, et dont je déchiffre, sur les feuillets jaunis, l’écriture menue, belle mais serrée et fine, et presque effacée, à la mauvaise encre pâlie, où l’on reconnaît la préoccupation d’économiser le papier, soit afin de mieux dissimuler l’écrit aux surveillants du pénitencier, soit pour transporter plus aisément le cahier confidentiel dans les déplacements et les corvées du bagne ou du camp de déportation, se trouvent ces lignes sincères, en forme d’à propos.

Le plus grand nombre des récits qui ont été faits sur la révolution de 1874 ont été puisés soit dans les journaux officiels, soit dans des récits incomplets et souvent inexacts. Souvent aussi ils ont été inspirés par des sentiments passionnés qui en ont écarté toute sincérité. Aussi les événements y sont-ils présentés la plupart du temps sous un jour faux, et avec des détails erronés qui égarent le lecteur, et rendent impossible une juste appréciation des faits et des hommes. Acteur dans cette grande lutte, depuis le 18 mars jusqu’au 26 mai, époque où une blessure me réduisit à l’inaction, j’ai pris ces notes au jour le jour, pendant toute la période révolutionnaire. Cet ouvrage n’a donc pas la prétention