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gères, qu’il n’avait pas une force suffisante sous la main pour cerner le ministère et s’en emparer. À cette nouvelle, C. Lullier arrêta net sa colonne et lui fit rebrousser chemin ; puis prenant cette compagnie pour escorte, il s’achemina vers l’hôtel de ville. La capture de M. Thiers et des ministres ne rentrait d’aucune façon dans les plans de C. Lullier. Que les communards aient crié ensuite à la trahison, voilà ce qui lui importe peu.

Souvent, le peuple ne voit pas plus loin que le bout de son nez ; il n’envisage jamais que les résultats immédiats, sans en prévoir les conséquences, Ce n’était pas sur M. Thiers ni sur ses ministres, appartenant pour la plupart au parti républicain, qu’il fallait mettre la main, mais bien sur la majorité réactionnaire qui voulait faire d’eux ses instruments. M. Thiers prisonnier, ils auraient nommé un autre chef du pouvoir exécutif, Mac-Mahon ou Changarnier, deux brutes, et un ministère à l’avenant. C. Lullier connaissait les passions populaires, et, pour rien au monde, il n’eût voulu leur jeter en proie un vieillard honorable, plein de patriotisme et de talent, qui, depuis quarante ans, combattait pour la liberté. Il eût préféré voir son propre cadavre servir de marchepied à l’ambition et à la vengeance des meneurs.

(Ch. Lullier : Mes Cachots, p. 35, Paris, 1881.)

Il y a dans ce récit une inexactitude évidente. Sans tenir compte des sentiments de Lullier, qu’il s’efforce de montrer si favorables à M. Thiers et au gouvernement (sentiments intéressés, et qui probablement n’étaient pas les siens au 18 mars), il est impossible qu’il ait joué ce rôle et qu’il ait eu, dans la journée, le pouvoir qu’il s’attribue. Lullierment et se vante d’exploits imaginaires. Il n’eut de commandement que dans la soirée.

Lullier reconnaît qu’il était sept heures du soir quand il sortit du siège du comité, rue Basfroi. « Les boutiques se fermaient lentement, dit-il. Un silence solennel planait sur Paris. Trois bataillons du quartier attendaient l’arrivée de C. Lullier sur le boulevard des Filles-du-Calvaire. Il se fit reconnaître. Les bataillons se mirent aussitôt à ses ordres… À 9 heures, Lullier fit cerner l’Hôtel-de-Ville et s’en empara