Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/355

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Malheureusement, il y eut un arrêt dans cet élan joyeux, car le Comité désavoua son envoyé Protot.

EUGÈNE PROTOT

Encore un fils de la bourgeoisie servant la cause populaire que cet avocat, intelligent et probe. Eugène Protot est né à Tonnerre en 1839. Il vint à Paris faire son droit, dans les dernières années impériales. Il se lia avec les jeunes hommes ardents qui rédigeaient de petits journaux d’opposition, publiés au quartier latin. Ces feuilles très courageusement écrites étaient qualifiées de littéraires, par force. L’Empire permettait à la « petite presse », celle qui ne déposait pas de cautionnement, de commenter les potins de rédaction, de reproduire les scandales de coulisses, de bavarder sur la mode, les courses, les cocottes, d’être l’écho des bruits du boulevard et de critiquer les gens de théâtre, les clubmen et les vaudevillistes. On appelait cela traiter de matières littéraires. La politique, la philosophie, les questions de religion et de libre-pensée, les actes et la vie des bommes touchant au gouvernement, étaient par contre rigoureusement interdits. Il était même défendu de parler de l’antiquité d’une façon trop indépendante, et les propos d’un certain Labienus, hostile à l’imperator César-Auguste, vile devenaient suspects. L’amende, la prison et la suppression de la feuille indiscrète punissaient l’incursion sur le champ interdit. Mais le fruit défendu attire. Ces jeunes gens couraient de rechef avec plus d’entrain au verger prohibé. En sortant de l’audience correctionnelle, ils bravaient les gendarmes du parquet faisant, le code à la main, bonne garde autour du domaine réservé, et y cueillaient les pénalités prévues. Parmi ces journaux suspects figuraient la Rive gauche et surtout le Candide.