Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/36

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En Calédonie, Lullier fit montre d’une surexcitation extrême. D’abord, il ne voulut pas descendre à terre et soutint avec ses gardiens une lutte dans l’entrepont du Var. Résistance vaine et protestation puérile. On le happa dans la cabine-cellule, où il s’était retranché, à l’aide de ringards, grandes tiges de fer qui servent aux chauffeurs de navires pour remuer le charbon en combustion. Transporté à terre, il continua sa résistance, refusant la nourriture, injuriant les officiers et les matelots qui s’approchaient de lui. Il ne voulut pas quitter son uniforme bien vite en lambeaux, repoussant et déchirant le costume du pénitencier.

Il est certain que les traitements infligés aux malheureux vaincus de la Commune étaient odieux et indignes d’une marine civilisée. Sauf quelques exceptions, les officiers furent impitoyables. Mais l’attitude provocatrice et furieuse de Lullier n’était point faite pour améliorer le régime de ses compagnons et le sien, ni pour disposer favorablement marins et gardiens. Il y avait surtout de l’enfantillage et de l’obstination dans sa résistance à se soumettre à un règlement rigoureux, impitoyable, inhumain sans doute, mais qu’il eût été plus digne de supporter avec résignation et mépris. Alphonse Humbert, Da Costa. Lucipia, tous les autres condamnés de la Commune, protestérent comme condamnés politiques contre le régime du bagne, qui, au mépris de toute justice, leur était imposé, mais ils le subirent sans se livrer à des rébellions impuissantes. Lullier ne sut pas garder la fière contenance du gaulois captif, vantée par les histoires. Il se comporta plutôt en dément, qui subit une crise dans son cabanon, qu’en prisonnier politique se plaignant de rigueurs injustes et exceptionnelles. « Pendant deux mois, a-t-il raconté, le prisonnier fut visité par des gens de toute espèce, de tout uniforme, venant à tour de rôle lui faire des sommations.