Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ses trahisons livrèrent à Thiers et aux cours prévôtales. Ces témoignages, qu’on ne peut récuser, condamnent à jamais ce malheureux. La fameuse épée de la République, que les naïfs et les abusés croyaient lui voir brandir pour la déroute des adversaires de la démocratie, ne fut jamais dans ses mains, que secouait le tremblement alcoolique, qu’un instrument mortuaire, semblable à la pelle du fossoyeur. C’est lui qui, dès le Dix-Huit mars, creusa la fosse sanglante où ne devaient pas tarder à s’abimer la Commune et ses défenseurs.

LES INCONNUS DU COMITÉ CENTRAL

On a certainement exagéré dans les journaux de l’époque, et plus tard dans les livres de la réaction, la « stupeur » produite par l’apparition de ces hommes nouveaux, inconnus surgissant d’une trappe pour recueillir le pouvoir vacant. Assurément, l’opinion se trouvait déroutée. En 1830, en 1848, quand la monarchie avait cédé la place, évacué la capitale intenable, quand, l’empire vaincu, l’empereur prisonnier et ses serviteurs en fuite avaient laissé le champ libre au gouvernement du 4 septembre, il s’était aussitôt trouvé des notabilités de la Chambre, de la presse, du barreau, des chefs de groupes politiques bourgeois, tous personnages influents, presque tous désignés d’avance par l’opinion pour occuper les fauteuils ministériels vides, pour distribuer ensuite les sièges secondaires à leurs amis. Rien de semblable au 19 mars. C’étaient des hommes qui n’avaient ni passé politique, ni illustration quelconque, qu’on voyait surgir au premier plan et qui se proclamaient les maîtres. Ces inconnus avaient cependant une raison d’être et leurs titres étaient aussi valables que ceux des Trochu et des Favre. Ils étaient notoires dans leurs quar-