Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/41

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nement la formule, non seulement en France, dans les pays latins, mais dans toute l’Europe, puis dans toute la civilisation mondiale, des démocraties de l’avenir. Alors c’était prématuré. Il est difficile d’anticiper sur les progrès et périlleux de devancer son temps.

Le défaut de notoriété large, de consentement général et d’acclamation majoritaire par tout le pays, furent les vices originaires et les germes de mort du pouvoir né des événements du Dix-Huit mars. Ce Comité Central et, à sa suite, la Commune ne pouvaient être des gouvernements viables, parce qu’ils ne semblaient pas continuer une tradition toute puissante, parce qu’ils apparaissaient comme des pouvoirs irréguliers, que rien ne pourrait légaliser, ni faire accepter comme normaux. La confiance ne se décrète pas. Les influences de l’hérédité, l’habitude de la soumission à des autorités se succédant comme par une transmission prévue, acceptée d’avance, déterminent le consentement des peuples. Les nations, dans les temps actuels, ne sont susceptibles de supporter que des gouvernements paraissant relever et continuer les régimes renversés. Anacharsis Cloots, rêveur humanitaire, a pu s’écrier, en portant sa tête sur l’échafaud : « France, guéris des individus ! » La France, comme les autres pays d’ailleurs, ne veut pas, quant à présent du moins, de cette guérison. Elle a le respect instinctif des individualités, et la répugnance qu’elle manifesta à reconnaître pour ses chefs, au Dix-Huit mars, des personnalités sans célébrité, des maîtres neufs, des hommes ignorés, ne fut que l’affirmation éclatante de ce misonéisme gouvernemental. Cette répulsion contre toute nouveauté dans toute l’histoire de l’humanité se rencontre, enrayant le progrès dans sa marche, comme le sabot ralentit le mouvement d’une voiture, sans pouvoir l’immobiliser complètement, sans l’empêcher de descendre la pente, d’obéir à l’impul-