Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/411

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nombreux, pour donner, comme le bruit en a couru à Versailles, la lieutenance générale à un prince d’Orléans, les adversaires des institutions républicaines, délivrés de la crainte des contingents révolutionnaires, débarrassés de nous par l’impopularité, puis par le suffrage ingrat et apeuré, établirent un régime qui ne s’appellera peut-être pas royauté, mais qui n’aura plus rien de la République. C’est ainsi que les choses se sont passées après la victoire de l’ordre en juin 48. Sans ces fatales journées, il n’y aurait pas eu les trois années de réaction qui suivirent et permirent aux ennemis de la République de s’emparer de toutes les fonctions, de diriger l’État et, après le coup de Décembre, de rétablir l’empire. Nous sommes républicains, nous voulons donc conserver la République ; c’est pourquoi nous devons ne pas recommencer la sinistre expérience de juin, et par conséquent nous devons transiger ! » Ce raisonnement était séduisant.

Ces mêmes hommes, certainement sincères, en évitant la guerre civile, comme ils le croyaient, espéraient conserver leur popularité, l’accroître même, et maintenir leur situation parisienne. La plupart de ceux qui acceptèrent la transaction supposaient que le scrutin leur serait favorable. S’ils se décidèrent à se rallier à la date du 26 mars, au lieu de faire mine de résister jusqu’à ce que le Comité cédât sagement et adoptât la date du 3 avril, celle que le gouvernement approuvait, c’est qu’ils avaient la pensée de derrière la tête que le délai si court leur serait avantageux. On transigeait le samedi, à midi, et la population n’aurait que le soir connaissance de la date ferme acceptée. On voterait le lendemain matin dimanche. Les électeurs n’auraient que la nuit pour se concerter et discuter les candidats, pour faire la propagande et ce qu’on nomme la cuisine électorale. Il n’y aurait ni réunions publiques ou privées, ni articles de