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recueillis, et aussi par les verres choqués avec des socialistes devant les comptoirs. Les chefs, Ducrot, Vinoy, d’Aurelle de Paladines, se trouvaient totalement démonétisés. La dérobade du 18 mars n’était pas de nature à relever leur prestige. Elle ne devait pas accroître la confiance qu’ils pouvaient avoir dans leurs soldats, dans le gouvernement, dans eux-mêmes aussi. Les troupes impériales captives, sur lesquelles Thiers comptait, commençaient seulement à revenir d’Allemagne. Les régiments rapatriés, en petit nombre, n’avaient pas encore eu le temps de se refaire, de réparer leurs forces, ni de recevoir l’équipement et l’armement indispensables. Il leur fallait plusieurs jours pour reprendre l’esprit de corps et la pratique de la discipline. L’argent faisait défaut à Versailles, et il était facile de supprimer les ressources susceptibles d’être envoyées de Paris. Les hauteurs non défendues et le Mont-Valérien évacué, rien n’était plus aisé que de s’emparer de Versailles et d’envelopper l’Assemblée.

Les ruraux auraient-ils émigré ? Se seraient-il retrouvés à Fontainebleau, ou au Mans, comme il en avait été déjà question, ou seraient-ils retournés à Bordeaux ? C’était invraisemblable, surtout si la prise de Versailles, la marche en avant étant commencée dans la nuit du 19 au 20, était effectuée dans la matinée du lundi, quelques heures avant la réunion de l’Assemblée au château. Les députés eussent été surpris et dispersés sans qu’il y eût du sang répandu, au moins dans les rangs parlementaires. Les ruraux désagrégés eussent alors prudemment regagné leur terroir ou recherché quelque cachette à Paris. Les politiciens de la gauche, effarés et irrésolus, eussent accepté le fait accompli. Les députés vraiment républicains n’auraient pas osé demeurer avec les monarchistes. Louis Blanc, Clemenceau, Lockroy, Floquet avec leurs amis, n’auraient pu continuer