Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/498

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de la garde nationale, dans la ville, d’autres gens qui auraient pu se montrer plus clairvoyants et crier tout haut ce qu’ils auraient dû discerner : « Il ne s’agit pas d’appeler de tous nos désirs la paix et le travail ! Rien n’est fait parce qu’on a installé à l’Hôtel-de-Ville une Commune ! Pendant de longs jours encore les ateliers chômeront, les affaires seront en suspens, et ce n’est pas encore l’outil, mais le fusil qui va être dans nos mains ! Notre cher doyen prend des désirs, qui sont les nôtres aussi, pour des réalités. Le mot d’ordre n’a rien de pacifique ni de laborieux : il se compose de ces deux termes redoutables : Misère et Combat ! »

L’illusion fut sans doute de courte durée ; mais elle fut profonde et universelle. Le vieux Beslay partagea et exprima la crédulité de ses contemporains. La période qui s’écoula, du 20 mars au 2 avril, fut l’interrègne de l’illusion. On ne parut s’apercevoir, ni au Comité Central, ni à la Commune, que, pendant qu’on échafaudait à Paris des projets de constitution, d’organisation, de réformes et de régime populaire devenu régulier et légal, M. Thiers, à Versailles, poursuivait l’exécution de son plan, et n’allait pas tarder à le révéler à coups de canon aux membres de la Commune et aux Parisiens, également effarés et surpris. On votait, à l’Hôtel-de-Ville, la proposition de Félix Pyat, abolissant la conscription, c’est-à-dire une loi générale susceptible de s’appliquer à toute la France, quand déjà les gendarmes de Ladmirault, le chassepot à la main, s’avançaient vers le pont de Neuilly, et, enfermant Paris dans son enceinte fortifiée, allaient crier aux Parisiens, en les couchant en joue : On ne passe plus !

Il eût fallu passer plus tôt. Le Comité Central n’avait pas voulu, et la Commune suivit son exemple. Elle chercha à se frayer un passage, quand la route était déjà barrée,