Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/83

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saction comme irréalisable étaient seuls logiques, seuls clairvoyants, et seuls se rendaient un compte exact de la situation. Parmi ces non-conciliateurs, il y avait des membres du Comité Central, qui admettaient comme évident le complot contre la République commencé à Bordeaux, dont Versailles allait préparer la réalisation. Il y avait aussi des maires et des députés, animés contre l’esprit révolutionnaire, tels que MM. Vautrain, Vacheret, Tirard, qui voulaient profiter du conflit pour mater la révolution. Il y avait enfin et surtout, dans la coulisse, M. Thiers, qui dirigeait toute l’action, selon ses vues et ses volontés. Dissimulant son implacable politique, il paraissait ouvertement favorable à des propositions d’union, mais secrètement il les écartait toutes. Il entendait ne rien concéder. Il voulait poursuivre le plan qu’il avait conçu : le désarmement de Paris, l’écrasement de toutes les résistances révolutionnaires et l’affermissement d’une république bourgeoise, dont il serait le maître à peu près absolu. Il touchait au but. Il n’entendait pas qu’on l’en éloignât par une trêve, qui pouvait devenir un ordre nouveau et durable, qu’il réprouvait. En autorisant les maires à discuter, en amusant le Comité Central avec l’espoir d’un arrangement, en paraissant consentir à donner à Paris ses franchises municipales, en permettant de discuter la nomination d’un conseil communal, M. Thiers ne faisait qu’user de la temporisation, la tactique chère aux grands fourbes. Il endormait l’activité révolutionnaire. Il énervait les énergies. Il provoquait aussi, dans les rangs de ses adversaires, des rivalités, des suspicions, des animosités. En même temps, il offrait aux agitateurs réactionnaires demeurés à Paris l’occasion de se ressaisir avec la facilité de se concerter et de provoquer des désordres. Enfin, il gagnait quelques journées précieuses, qu’il mettrait à profit pour tromper, pour contenir la province. Ce répit