Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/84

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laisserait aux prisonniers d’Allemagne le temps d’arriver, apportant le nombre et la cohésion aux bandes indisciplinées et insuffisantes qu’il avait pu rassembler autour de Versailles. Il feignait donc d’encourager ses mandataires à discuter des conditions de paix, pour mieux préparer la guerre.

M. Thiers voyait juste. Dès cette journée initiale du 19 mars, gaspillée en bavardage, en décrets inutiles ou ridicules, en préoccupations de légalité, de convocations électorales, au lieu d’être employée en concentration de forces insurrectionnelles, en continuation de la bataille commencée sur la Butte, on pouvait prévoir la réussite finale de son plan admirable et scélérat.

Tous les pourparlers, tout le verbiage qui, jusqu’à l’élection des membres de la Commune, occupèrent les esprits, remplirent les séances, multiplièrent les entrevues, provoquèrent des conciliabules, ne furent que des jeux parlementaires, sans portée comme sans utilité. Que pouvait-il advenir même d’un accord complet et loyalement exécuté ? Paris aurait eu son assemblée communale ? Et après ? Cet accord suivi de cette élection a existé à partir du 26 mars. La guerre civile a-t-elle été écartée pour cela ? M. Thiers n’a-t-il pas, huit jours après la transaction, commandé le feu ? Les insurrections sont soumises à des lois inévitables. Comme une porte doit être ouverte ou fermée, une insurrection doit être victorieuse ou écrasée. Une transaction comme celle qu’on discutait, comme celle qui se produisit, n’était pas, pour Paris, une victoire. On ne pouvait, à Versailles, la considérer comme une défaite. Elle laissait, debout et impatients d’en venir aux mains, des éléments antagonistes. La lutte entre Versailles et Paris, entre la Réaction et la Révolution ne pouvait se terminer par le fait de l’installation à l’Hôtel-de-Ville d’élus, fussent-ils très républicains, eussent-il été tous membres du Comité Central.