Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/93

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aux environs de Saint-Étienne, en plein pays noir, en 1841, fils de pauvres paysans, il fut élevé dans ces milieux sombres, où les rudes lois du salaire, l’effervescence gréviste en permanence, et les excitations de l’exemple et de la propagande disposent aux luttes de classe. Benoît Molon avait un frère ainé, instituteur, qui lui donna le premiers éléments du savoir. Depuis, avec une grande énergie, se disant que savoir c’est pouvoir, il s’efforça d’acquérir le plus de connaissances qu’il lui fut possible d’emmagasiner. Il se promettait, dès la jeunesse, d’exercer un jour son influence d’ouvrier plus instruit sur ses compagnons de labeur et de misère. Il résolut de s’élever, par l’étude, au-dessus du niveau moyen de la classe laborieuse, afin de contribuer à hausser ce niveau, et pour faciliter à ses camarades l’émancipation matérielle et intellectuelle.

L’étude était facile alors à tout jeune bourgeois. Les livres, les maîtres, le collège, avec les autres avantages sociaux, lui appartenaient dès le berceau, comme les privilèges à l’ancienne aristocratie. Mais le savoir était un luxe pour un petit paysan du Forez. Les fils du peuple n’avaient pas encore à leur disposition les écoles nombreuses, les cours supérieurs, les bourses, tous les bienfaits de la République. IL fallait conquérir l’instruction, même élémentaire, à force de patience et d’assidue bonne volonté. Il fallait vivre en même temps. Pour réaliser son vœu et résoudre le double problème, Malon se fit garçon de courses, homme de peine, enfin il apprit le métier de teinturier, qu’il exerça dans les usines de Puteaux, près Paris. Dans ce milieu d’ouvriers, généralement intelligents et ardents, qui se préoccupaient des questions politiques et sociales, c’était la circonscription de Jules Simon, Malon se fit bientôt connaître. Il fut au nombre des premiers adhérents de l’Internationale. Il fut délégué, par la section des Travailleurs