Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 2.djvu/95

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philosophie, mais il avait un vif fanatisme intérieur, et en lui brûlait la flamme d’une passion exclusivement ouvrière. Les préjugés de classe sont aussi implacables chez les ouvriers que parmi les sectaires religieux pour la prédominance de leur caste. Benoit Malon était de ceux qui veulent, non pas seulement défendre la classe ouvrière et améliorer son sort, mais qui prétendent, en la séparant des autres classes, établir la subordination de celles-ci. La suprématie absolue dans l’État de la classe des travailleurs, la préoccupation de ses seuls intérêts, et la conquête des privilèges de l’ouvrier, qui furent le rêve du pacifique Malon, le rangent parmi les utopistes de la philosophie et les idéologues du socialisme, étroit et tyrannique.

TIRARD

Une soixantaine de personnes se trouvaient à la mairie du IIe arrondissement (rue de la Banque), quand les délégués du Comité Central se présentèrent. Il y avait là toutes les notabilités démocratiques, des illustrations même, comme Louis Blanc, arrivé de Londres dans la soirée. L’esprit de ces vétérans de 48, de ces proscrits de décembre, de ces triomphateurs dans la lutte contre l’empire, tous amis des hommes du 4 septembre, indulgents à leur égard, était la crainte de la population ; ils en connaissaient le républicanisme inquiétant. Ils éprouvaient aussi une défiance dédaigneuse envers ces hommes nouveaux, que le Dix-huit mars leur suscitait comme des rivaux, et qui venaient leur disputer l’autorité, leur ravir la popularité.

M. Tirard arriva et prit la présidence de la réunion. Ce personnage, de sa profession commissionnaire en orfèvrerie d’imitation et en bijoux faux, était un génevois. Il était né en 1827 de parents dauphinois. Venu à Paris en 1846, entré dans les services des Ponts et Chaussées, il était