Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/133

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délégations se succédèrent et les pourparlers s’échangèrent toute la matinée.

Des cris de plus en plus nombreux de : Vive la Commune ! se faisaient entendre sur la place, comme pour activer les négociations et stimuler les manifestants, en intimidant le préfet, M. de l’Espée fait ranger en bataille les forces minimes dont il dispose : à peine un bataillon d’infanterie et deux escadrons de chasseurs. La foule, de plus en plus dense et irritée, grogne, menace, crie vigoureusement : « Vive la Commune ! À bas le préfet ! » Une collision paraît imminente. Les conseillers municipaux, pour la plupart manufacturiers et gens paisibles, redoutant les émeutes, s’interposent et réclament l’éloignement des troupes. Elles semblent d’ailleurs peu sûres, prêtes à se débander, et le préfet préfère prudemment ne pas essayer de disperser le rassemblement. Il lui sembla meilleur de gagner du temps, et d’attendre les renforts que le général Lavoye ne pouvait manquer de lui envoyer. Il donna donc l’ordre à la troupe de se retirer. Les soldats, avec grande satisfaction, regagnèrent leurs casernes, et il ne resta plus, devant l’Hôtel-de-Ville, pour contenir la foule grondante et maintenir un ordre relatif, qu’une compagnie de sapeurs-pompiers.

Les entrevues et les négociations continuaient à l’intérieur. Vers quatre heures, un remous se produisit dans la foule. Ce sont les ouvriers de la manufacture d’armes qui arrivent et demandent à être entendus. Le préfet refuse d’admettre leurs délégués. Nerveux et impatienté, il fait donner l’ordre aux pompiers de repousser les manifestants. Une hésitation se produit parmi ces paisibles miliciens. Bientôt ils rompent la haie, laissent passer les ouvriers d’armes. Alors, par une de ces fatalités qu’on peut toujours prévoir et douter dans ces bagarres, un coup de feu partit d’une des maisons de la place. Qui l’a tiré ? On ne sait. Un homme