Page:Lepelletier - Histoire de la Commune de 1871, volume 3.djvu/283

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des rangs un homme qui a dit : « C’est moi ! Je suis Duval ! » Le général a dit : « Faites-le fusiller ! » Il est mort bravement ; il a dit : « Fusillez-moi. » Un autre homme est venu disant : « Je suis le chef d’état-major de Duval ! » Il a été aussi fusillé…

(Enquête parlementaire sur le Dix-Huit mars. Déposition du Colonel Lambert, t. II., p. 266.)

La déposition du colonel Lambert, qui se vantait d’avoir fait fusiller deux hommes qui ne faisaient pas le coup de feu, mais naïvement suppliaient les soldats de ne pas tirer puisqu’on se rendait, n’est pas suspecte de partialité pour les défenseurs de la Commune. Elle met à néant une légende, qui a eu cours dans la presse versaillaise, et que des historiens ont cru devoir reproduire.

Duval s’étant nommé quand Vinoy eut demandé s’il y avait un chef parmi les prisonniers, un colloque singulier se serait alors engagé, selon ces écrivains fantaisistes. Vinoy aurait dit en toisant Duval : « Ah ! c’est vous le chef de toute cette canaille ? eh bien regardez-moi bien : si vous me teniez comme je vous tiens, qu’est-ce que vous feriez de moi ? » Duval aurait répondu sans hésiter : « Je vous ferais fusiller ! » — « Vous venez de prononcer votre sentence ! » aurait alors dit Vinoy, en faisant signe d’emmener son prisonnier et de le passer par les armes.

La preuve de l’inexactitude de ce dialogue pittoresque, mais invraisemblable, est donc fournie par le colonel Lambert, témoin de l’exécution et témoin dans l’enquête. L’illustre géographe Elysée Reclus, qui faisait partie des prisonniers de Châtillon, et qui fut emmené à Versailles, exposé aux insultes et aux mauvais traitements, a corroboré le démenti du colonel. Élysée Reclus, dans une lettre adressée de Bruxelles, le 4 mars 1902, à Gaston Da Costa, et reproduite par celui-ci dans sa Commune Vécue (t. I, p. 375),