Page:Lermitage-1896-Volume12.djvu/330

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et, tandis qu’assis sur une roche il se demandait comment il pourrait rentrer, la vie sauve, une paire de raquettes s’en vint glisser tout doucement vers lui parmi le brouillard et s’arrêta devant ses pieds.

« Puisque vous avez pu me trouver, vous trouverez bien la route pour revenir aussi, » dit-il.

Il les mit donc et laissa les raquettes manœuvrer comme elles l’entendaient par dessus les collines et les falaises. Il ne s’inquiétait nullement de se guider par ses yeux ou de vérifier la marche de ses pieds ; et plus vite il allait, plus dense la brume et la neige se pressaient contre lui : ses raquettes, on eût dit que le vent les lui allait arracher.

Il refit par monts et par vaux toute la route qu’il avait parcourue pendant la journée et il lui semblait parfois qu’il ne sentait rien de ferme au-dessous de lui, mais qu’il volait.

Tout à coup les raquettes s’arrêtèrent net : il se trouvait juste à l’entrée de la hutte du Finnois.

Là se trouvait Seimke. Elle l’attendait.

« J’ai envoyé mes raquettes te chercher — dit-elle — car j’avais vu que le Finnois avait ensorcelé tout le pays pour que tu ne puisses pas retrouver le bateau. Ta vie est sauve, car il t’a donné abri sous son toit ; mais il ne serait pas bon de le voir ce soir. »

Là-dessus elle lui fit passer avec précaution le seuil, de façon que le Finnois ne pût l’apercevoir parmi l’épaisse fumée ; elle lui donna à manger et lui prépara une couche pour se reposer.

Mais lorsqu’il se réveilla au milieu de la nuit, il entendit des sons bizarres : des chuchotements, des chants lointains.

« Le Finnois ne pourra jamais lier le bateau,
La Monche, le batelier ne la trouvera point,
Le vent sans but tourbillonne. »

Le Finnois était assis parmi les cendres, chantait des incantations, marmottait à faire presque trembler le sol, tandis que Seimke était étendue avec le front contre le plancher et les mains crispées derrière elle autour de son cou, s’efforçant de combattre par ses prières les maléfices du sorcier. Et alors Hans comprit que celui-ci était encore à sa poursuite parmi la tourmente de neige et de brouillard et que sa vie était menacée par sa sorcellerie.

Il s’habilla dès avant le jour, sortit puis rentra tout aussitôt, couvert de neige, disant qu’il avait chassé aux ours. Mais jamais il ne s’était trouvé dans une pareille brume ; il lui avait fallu tâtonner longtemps avant de trouver la porte de la hutte, bien qu’il se trouvât tout à côté.